Conférence de Berlin : Plus de deux milliards de dollars d’aide pour la région du lac Tchad
Trois jours après la Conférence ministérielle d’Abuja sur la validation de la Stratégie régionale de stabilisation, de redressement et de résilience des zones du bassin lac Tchad affectées par la crise Boko Haram, la Conférence internationale des donateurs en faveur des pays de cette région (Berlin, République d’Allemagne, les 3 et 4 septembre 2018) a tenu toutes ses promesses : une annonce de financement de 2,17 milliards de dollars en dons et 467 millions de dollars sous forme de prêts préférentiels a été faite.
Conjointement organisée par l’Allemagne, le Nigéria, la Norvège et les Nations unies, cette Conférence vise à galvaniser davantage les efforts pour non seulement renforcer l’assistance humanitaire, mais soutenir également les efforts de stabilisation et de développement durable à plus long terme, pour sortir cette région charnière de la pauvreté, de la vulnérabilité et de l’insécurité.
Plus de 70 pays, organisations internationales et acteurs de la société civile ont pris part à ces discussions visant à ramener la paix et la stabilité dans les quatre pays concernés (Cameroun, Niger, Nigeria et Tchad). Pendant les deux jours, les participants ont débattu aussi bien des questions concernant l’aide humanitaire, la prévention des crises et la stabilisation, que des efforts de développement afin de définir la voie à suivre pour l’élaboration d’une réponse globale et inclusive. Plus qu’à Oslo, une année auparavant, lors de la Conférence Humanitaire pour le Nigeria et la région du lac Tchad, Berlin a été une excellente occasion pour engager des discussions approfondies sur diverses questions, comme le caractère global et multidimensionnel de cette crise dans la région du lac Tchad, le rôle crucial des acteurs locaux, la coopération transfrontalière et l’appropriation à tous les niveaux…
En effet, en février 2017, une première conférence sur la région du lac Tchad, organisée conjointement par l’Allemagne, le Nigéria, la Norvège et les Nations Unies, s’est tenue à Oslo. A cette occasion, les donateurs ont promis 672 millions de dollars destinés à l’aide d’urgence et aux programmes de soutien pour l’année 2017 et au-delà. La réponse humanitaire a été considérablement renforcée : plus de six millions de personnes en ont bénéficié et une famine a été évitée dans le nord-est du Nigéria.
De plus, le processus politique initié en marge de cette Conférence d’Oslo a mis l’accent sur l’appropriation régionale et la coopération transfrontalière à tous les niveaux. Il a ainsi abouti à la création du Groupe consultatif pour la prévention et la stabilisation du bassin du lac Tchad, et devant servir de plateforme stratégique d’échanges sur la prévention des crises et la stabilisation de la région.
Parallèlement, d’importantes initiatives ont été entreprises par les gouvernements des pays concernés, la CBLT, l’Union africaine et bien d’autres acteurs en vue de mener des actions de développement en intégrant plus de tolérance au risque, plus de flexibilité et plus d’innovations en matière de projets.
Après une première réunion du Groupe consultatif, à Berlin, en septembre 2017, les acteurs nationaux de la région se sont retrouvés à Maiduguri, en mai 2018, pour instituer un cadre transfrontalier régional pour la coopération. Au cours de cette session, les Gouverneurs des régions affectées par cette crise ont créé un forum permanent et officialisé leur engagement en faveur d’une stratégie de stabilisation régionale. C’est sur la base de ces acquis et de ces engagements, avec le processus de suivi et de coordination, que la Conférence ministérielle d’Abuja, pour l’adoption de la Stratégie régionale de stabilisation, de redressement et de résilience des zones du bassin du lac Tchad affectées par la crise Boko Haram, s’est déroulée le 30 août 2018.
Du fait des exactions de groupe terroriste mais aussi de l’extrême pauvreté et du changement climatique, plus de 17 millions de personnes vivant dans le Nord-Est du Nigéria et dans certaines régions du Cameroun, du Tchad et du Niger sont actuellement confrontées à une crise complexe. Plus de 2,4 millions de personnes ont été contraintes au déplacement et quelque 10 millions d’individus dépendent de la protection et de l’aide humanitaire pour satisfaire leurs besoins les plus élémentaires.
En 2018, les organisations humanitaires ont estimés les besoins pour la région à quelques 1,56 milliard de dollars. Une aide au développement efficace axée sur le renforcement de la résilience est également nécessaire. La conférence de Berlin vise à consolider les bases de la première, en mobilisant un soutien financier pour la réponse humanitaire, mais aussi pour la stabilisation et le renforcement de la résilience des populations. Il s’agit notamment de fournir des secours d’urgence pouvant sauver des vies, tels que de la nourriture, de l’eau propre et des abris ; à assurer la protection des populations civiles et à rendre des services de base tels que la santé et l’éducation ; à permettre les premiers pas vers la réconciliation et à identifier les approches visant à la dé-radicalisation et à la prévention de l’extrémisme violent ; à réduire les risques, les besoins et la vulnérabilité des populations et à réduire leur dépendance envers l’aide humanitaire, etc.
Comme stipulé dans la stratégie régionale de stabilisation, de redressement et de résilience des zones du bassin du lac Tchad affectées par Boko Haram, ce souci de concilier des impératifs humanitaires et sécuritaires et objectifs de développement, en s’attaquant aux causes profondes, constitue la meilleure façon de faire face aux défis complexes et multidimensionnels de cette région.
Aussi, à Berlin, les discussions ont essentiellement porté sur la manière dont la communauté internationale, les partenaires régionaux et les gouvernements concernés pourraient accroître leur coopération pour faire face ensemble aux défis de la région, en mettant un accent particulier sur le renforcement de l’assistance humanitaire, la résilience, la prévention des crises et la stabilisation ainsi que sur le développement durable.
Intervenant justement lors des discussions sur la Prévention des crises, la Stabilisation et la Coopération régionale transfrontalière, le Secrétaire Exécutif de la CBLT, l’ambassadeur Mamman Nuhu a notamment souligné l’importance de disposer d’une stratégie de stabilisation holistique et inclusive dont la région du lac Tchad vient de se doter.
Dans ses interventions, l’ambassadeur Mamman Nuhu a mis en exergue que « la crise qui affecte la région du lac Tchad constitue un défi complexe et régional que seule une approche régionale basée sur des structures continentales et internationales et qui prennent en compte les efforts de l’ensemble des parties prenantes, peut fournir les moyens nécessaires pour sa réalisation ». Il a rappelé tous les efforts consentis par la CBLT dans ce sens, efforts ayant contribué notamment au renforcement du cadre institutionnel et des capacités régionales de gestion des ressources en eau mais aussi à la généralisation d’une résilience systémique à travers la restauration des moyens d’existence et l’accès des services sociaux. Le Secrétaire exécutif a également décliné la nature des interventions de développement à moyen et à long terme dont la région a besoin pour faire face à la vulnérabilité, réduire les risques et les contraintes opérationnelles de mise en œuvre.
L’ambassadeur Mamman Nuhu a mis aussi à profit son séjour berlinois pour avoir une série de rencontres et d’échanges avec les responsables du Programme des Nations Unies pour l’Environnement (PNUE), du Ministère Fédéral des Affaires Etrangères, du Ministère de la Coopération (BMZ), du Parlement allemand (le Bundestag) et de la Banque allemande pour la Développement (KfW). Avec tous ces interlocuteurs, il a été question du mandat de la CBLT, de la stratégie régionale de stabilisation et de l’appui que ces différents partenaires peuvent apporter à cette organisation sous régionale pour la mise en œuvre de ses projets et programmes en faveur de la paix, de la stabilité et du développement durable de cette région vulnérable.
Promesse donc tenue pour la Conférence de Berlin pour venir en aide aux pays du bassin du lac Tchad. Les pays donateurs ont ainsi promis environ trois fois plus d’argent que lors d’une conférence similaire à Oslo en 2017. Ainsi, l’Allemagne, le pays hôte, a promis 265 millions d’euros, tandis que la Norvège s’est engagée pour 125 millions $. On compte également les États-Unis (420 millions $), la Suisse (20 millions $), la France (131 millions d’euros), la Belgique (45 millions d’euros), la Finlande (2,3 millions d’euros), le Danemark (72,5 millions d’euros). Mais aussi le Royaume-Uni (146 millions de livres sterling), le Canada (68 millions de dollars canadiens), l’Union européenne (231,5 millions d’euros), le Luxembourg (40 millions d’euros) et l’Espagne (3,2 millions d’euros).
Outre ce soutien de plus de deux milliards de dollars US, 467 millions $ supplémentaires seront mis à disposition sous la forme de prêts à faible taux. De plus, l’Allemagne a déclaré vouloir ajouter 100 millions d’euros d’aide humanitaire à la région d’ici 2020, ainsi que 40 millions d’euros destinés à la prévention des conflits et à la stabilisation de la région. De plus, la Conférence a convenu de la nécessité d’adopter une approche pluriannuelle cohérente pour intégrer tous les instruments disponibles afin de faire face à la crise de protection et de s’atteler aux causes profondes du conflit. Une telle démarche est indispensable pour ouvrir la voie à un développement durable et résilient de la région, et contribuer ainsi à préparer un avenir meilleur pour les populations touchées.